En juillet 2022, la Fédération Française des Banques Alimentaires a souhaité mettre un coup de projecteur sur l’impact de l’inflation alimentaire sur les personnes accueillies tant au niveau de leur comportement d’achat que de leur comportement à l’aide alimentaire en France métropolitaine. Qui sont les personnes accueillies à l’aide alimentaire ?
UN PROFIL SOCI-DEMOGRAPHIQUE MOYEN MARQUE PAR LA PAUVRETE
Les Banques Alimentaires accompagnent des populations en situation sociale fragile :
– Sous le seuil de pauvreté (94%)
– Près de la moitié des personnes accueillies habitent dans un HLM
– Près de la moitié des personnes accueillies vivent de minima sociaux
Quel serait le profil sociodémographique type ? :
– Une personne seule (41% des personnes)
– Une famille monoparentale (31%)
– Un âge moyen de 49 ans
Les femmes représentent 71% des personnes qui ont répondu à l’enquête ce qui est révélateur du fait que parmi les personnes en précarité, ce sont elles qui sont principalement investies de la fonction de subvenir aux besoins alimentaires des foyers. Les femmes représentent ainsi 90% des familles monoparentales accueillies à l’aide alimentaire, une proportion supérieure à la population générale, où les femmes représentent 82% des familles monoparentales, selon l’Insee1.
MAIS DES PROFILS DE PLUS EN PLUS HETEROGENES
Si on regarde sur le temps long, les Banques Alimentaires accueillaient 820 000 personnes en 2011, contre 2,4 millions fin 2022, soit trois fois plus de personnes en 10 ans. Depuis 2008, les différentes crises économiques et sanitaires se sont traduites par cette “marée lente” du recours à l’aide alimentaire qui n’a jamais refluée.
Si une partie de cette augmentation pourrait être expliquée par un moindre “non recours”, les enquêtes successives de la Fédération Française des Banques Alimentaires soulignent que des populations aux profils de plus en plus différenciés ont désormais recours à l’aide alimentaire.
L’IMPACT DE LA PRECARISATION DE L’EMPLOI ET DE LA PRESSION SUR LE POUVOIR D’ACHAT
Parmi les personnes accueillies sans emploi, plus d’un quart sont au chômage. Parmi eux, la part des chômeurs de longue durée (plus de 2 ans) est en augmentation de 6 points, soit 41% du total des chômeurs.
La perte d’emploi constitue la cause principale du recours à l’aide alimentaire, devant les “accidents de la vie” comme la maladie (23 %) et une séparation ou un divorce (21 %).
Mais la précarité n’épargne pas ceux qui ont un emploi et que l’on peut qualifier de «travailleurs pauvres », qui sont de plus en plus nombreux : les deux tiers des personnes accueillies ont des contrats à temps partiel. Ce phénomène de précarisation touche également les personnes en CDI : elles représentent 60% des personnes accueillies (en hausse de quatre points depuis 2020) et sont majoritairement à temps partiel. Autant de personnes dont les revenus sont insuffisants pour subvenir à l’ensemble de leurs besoins alimentaires.
Ainsi, le revenu moyen de ceux qui travaillent est de 1070 euros, c’est à dire moins que le SMIC. Le revenu de ceux qui ne travaillent pas est de 850 euros, c’est-à-dire moins que le minimum vieillesse. A noter également que 60% des personnes accueillies vivent en zones périurbaines ou à la campagne.
L’inflation et le poids du budget alimentation pèsent plus particulièrement sur le budget des personnes accueillies.
– L’alimentation est en effet devenue le deuxième poste de dépenses des personnes accueillies, en hausse de 14% par rapport à 2020, derrière le logement mais désormais devant les factures d’eau et d’énergie ;
– Les prix « chers dans le commerce » sont cités par les deux tiers des personnes pour motiver leur fréquentation d’un centre d’aide alimentaire, soit une hausse de 9% par rapport à 2020.
L’AIDE ALIMENTAIRE, UN RECOURS ESSENTIEL
L’aggravation des problèmes de pouvoir d’achat se mesure par la part accrue des nouvelles personnes accueillies : plus du tiers d’entre elles ont recours à l’aide alimentaire depuis de moins de 6 mois (+ 3% par rapport à 2020).
– La fréquence du recours à l’aide alimentaire s’accroît : près de 6 personnes sur dix y ont recours une à deux fois par semaine, une hausse de 6 % par rapport à 2020.
– Les produits les plus onéreux sont logiquement les plus demandés par les personnes ayant recours à l’aide alimentaire : produits protéinés (viande, poisson, œufs) ou végétaux (fruits et légumes)
– En complément de l’aide en produits alimentaires, les besoins des personnes accueillies portent également de plus en plus sur les produits d’hygiène et d’entretien et les produits bébé : ces catégories de produits sont celles pour lesquelles l’écart entre la demande des personnes et ce qu’elles reçoivent est le plus important. Cet élargissement du périmètre des besoins essentiels des personnes accueillies a d’ailleurs conduit les Banques Alimentaires à faire évoluer leur charte associative en juin 2021 pour y intégrer la distribution de produits non alimentaires.
Dans ce contexte, l’aide alimentaire est jugée « essentielle dont on ne peut pas se passer » par les deux tiers des personnes interrogées, en progression de 15 points depuis 2020.
UN ETAT DE SANTE : BEAUCOUP MOINS BON QUE LA MOYENNE NATIONALE
Cette enquête « Profils » nous renseigne également sur la perception de leur état de santé par les personnes accueillies : 71% des personnes accueillies déclarent au moins un problème de santé.
Les maladies déclarées le plus souvent sont les problèmes de vue (39 %) et les problèmes dentaires (34 %), proportions comparables à celles de la population générale mais dont la prise en charge est particulièrement coûteuse.
Les personnes accueillies sont davantage concernées par des maladies chroniques, avec la prévalence du diabète (16 %) qui est bien supérieure à celle du reste de la population (5%)2. C’est aussi le cas des maladies cardiovasculaires (16 %). En 2018, 4,1 millions d’assurés du régime général de la sécurité sociale étaient traités pour une maladie cardio-neurovasculaire, soit environ 6% de la population3.
25% des personnes accueillies se déclarent en surpoids ou obèses.
L’AIDE ALIMENTAIRE CONTRIBUE A L’EQUILIBRE ALIMENTAIRE
58 % des personnes accueillies se déclarent sensibilisées à l’équilibre alimentaire. Ce chiffre est en progression de 6 points par rapport à 2020. Les bénévoles jouent un rôle important dans cette prise de conscience : la moitié des personnes accueillies les mentionne.
La demande en fruits et légumes des personnes accueillies est passée de 7% en 2014 à 32 % en 2022.
En réponse à ces attentes, en l’espace de 8 ans, la part des fruits et légumes distribuée est passée du 18% à 24% du total des produits distribués par le réseau des Banques Alimentaires.
– L’aide alimentaire reçue, contribue à l’équilibre alimentaire pour 83 % des personnes interrogées, soit plus de 10 % en deux ans.
– La qualité des produits reçus à l’aide alimentaire est reconnue à 98 %
L’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL, UN SOUTIEN ESSENTIEL …
Deux personnes accueillies sur trois expriment le besoin d’être accompagnées. Cette proportion atteint même 78 % pour les étrangers et 95 % pour ceux qui sont hébergés par des services sociaux.
Cette demande porte principalement sur les démarches administratives (53 %) et les problèmes financiers (53 % ).
Un peu plus d’un tiers (36%) des personnes accueillies participent aux activités proposées par les associations. Ce sont les sorties et les ateliers cuisine qui suscitent le plus d’intérêt, chacune de ces activités rassemble un tiers de ces participants.
… POUR ROMPRE L’ISOLEMENT
La motivation principale des personnes accueillies est la rencontre avec d’autres personnes (70 %) en progression de 15 points depuis la dernière enquête.
Le rôle des associations dans la lutte contre l’isolement social se renforce donc d’autant plus auprès des personnes seules, qui représentent plus de 40% des personnes accueillies, en hausse de 4 points depuis 2020. Une personne accueillie sur deux ne reçoit pas d’aide de son entourage.
Méthodologie : étude CSA réalisée pour la FFBA du 29 septembre au 15 novembre 2022.
1 Source : Insee 2020 : https://www.insee.fr/fr/statistiques
2 https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2021/le-diabete-en-france-les-chiffres-2020
3 https://sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-cardiovasculaires/article/maladies-cardiovasculaires